Nouveau tableau de tailles : Pourquoi et comment ?

Un pied dans la couture

Quand j’ai débuté la couture, les patrons indépendants n’existaient pas. Je n’avais accès qu’au magazine Burda, ce qui me convenait parfaitement. Très rapidement, des livres japonais sont apparus sur les blogs et forums, ce qui représentait une petite révolution, une alternative aux magazines avec des explications plus détaillées. Cependant, ils posaient quelques problèmes, notamment l’impossibilité de lire les explications écrites en japonais, heureusement les schémas étaient suffisamment explicites. Le plus gros problème était que ces livres étaient destinés au marché japonais et ne correspondaient pas aux standards de tailles françaises.

Plus tard, les premiers livres français sont apparus, et si vous cousiez à cette époque, vous avez très certainement cousu une veste H du « Dressing chic », mais avec l’arrivée de ces livres, un nouveau problème est apparu : j’avais des « gros bras ». Toutes les blouses que je cousais avaient ce problème récurrent : je me sentais étriquée au moindre mouvement. Sur les forums, le sujet revenait régulièrement, ce n’était pas seulement mon problème, c’était un problème commun, c’est ainsi qu’est née la « team gros bras ».

Le problème dans cette histoire est que je n’ai jamais eu ce souci dans le prêt-à-porter et, si mes bras ne sont pas particulièrement fins, ils ne sont pas non plus spécialement épais. Et surtout, je n’avais jamais rencontré ce problème dans les magazines ou les livres japonais.

Le problème venait donc soit des mesures utilisées, soit de la méthode de patronage. Mais à l’époque, je n’avais pas encore découvert le monde fascinant du modélisme.

Au début de la marque

J’ai appris le modélisme en gardant à l’esprit ce problème de “gros bras”. J’ai voulu comprendre d’où venait le problème pour pouvoir le résoudre. Si vous me suivez sur Instagram, ma story à la une sur la carrure en est un bon point de réponse.

Pour créer un patron, il faut un tableau de tailles et une méthode de patronage. Même si on a le meilleur tableau, si la méthode n’est pas adaptée, le résultat sera mauvais et inversement.

Dans cet article, je me concentre sur les tailles. La méthode de patronage fera l’objet d’un article dédié.

Dès le début, j’ai voulu offrir un grand choix de tailles, pour que chacune se sente représentée et valorisée. C’est pour cette raison que mon slogan est « La taille n’est qu’un détail ». Je suis fière d’être la seule marque française à proposer une déclinaison de tailles en 3 statures (petite, moyenne et grande), même si je regrette que d’autres marques ne suivent pas cette voie malgré l’intérêt que vous portez aux statures.

En ce qui concerne les tailles “de largeur”, j’ai rencontré des difficultés pour trouver des informations et des tableaux actualisés. Il y a peu de ressources sur les mesures utilisées pour le modélisme. J’ai donc commencé par utiliser les mesures couramment utilisées, qui donnaient de bons résultats, mais j’ai vite compris qu’il fallait revoir ce tableau de tailles pour que chaque patron soit le plus proche possible de la perfection.

La prise de conscience

J’ai commencé à me poser des questions en parcourant Instagram. J’ai remarqué des problèmes récurrents, peu importe la marque du patron :

  • La pince poitrine qui est souvent trop haute (et pas qu’un peu)
  • La sensation d’être étriquée au niveau des bras quand on bouge
  • Des épaules trop longues, qui dégoulinent
  • Des encolures qui baillent
  • Des amas de tissu sous les aisselles
  • Des tailles qui ne correspondent pas aux vôtres

Beaucoup de personnes ont commencé à partager leurs mensurations sur leur profil. Et quand j’ai comparé ces mensurations aux tailles standards utilisées, j’ai vu qu’il y avait un énorme décalage.

Sur les tableaux standards, il y a toujours les mêmes écarts, peu importe si on fait un 32, un 40, un 44 ou un 56. Les mesures standards représentent une morphologie en sablier, avec une poitrine bien présente, une taille très marquée et des hanches pas trop prononcées. Le problème, c’est que cette morphologie en sablier n’est pas représentative de la population.

En comparant les mensurations que j’ai vues sur Instagram avec les tailles standards, j’ai vu que la très grande majorité devait faire des compromis de tailles (c’est-à-dire choisir des tailles différentes pour la poitrine, la taille et les hanches). Faire des compromis de tailles n’est pas un problème, chaque corps est différent et les standards restent des standards.

Mais si 9 personnes sur 10 ont un écart de 2 tailles entre la poitrine et la taille, ça veut dire qu’il est peut-être temps d’actualiser les tailles de référence.

Changer pour le mieux

Forte de ce constat, j’ai décidé de créer un tableau de tailles pour mieux vous représenter. Pour le patronage, j’ai divisé les tailles en 5 groupes :

  • Du 32 au 36
  • Du 38 au 42
  • Du 44 au 46
  • Du 48 au 52
  • Du 54 au 58

Il est important de se rendre compte que grader un patron du 32 au 58 de façon linéaire n’a aucun sens. Mais diviser en deux groupes : du 32 au 46 puis du 48 au 58 n’est pas non plus la solution. Un 32 n’est pas un petit 46 et un 48 n’est pas un petit 58. Je vous en parlerai en détail dans un article dédié au patronage, pour l’instant, concentrons-nous sur les tailles.

Grâce aux mesures publiées sur vos profils Instagram, j’ai pu faire une première ébauche de tableau. J’ai ensuite lancé un appel à testeuses, où j’ai recueilli vos mesures à travers un questionnaire. Avec près de 1000 réponses, j’ai pu valider mon tableau en m’appuyant sur un panel beaucoup plus large.

Mais un tableau de tailles ne se résume pas aux mesures de poitrine, taille et hanches. Pour pouvoir patronner, d’autres mesures sont essentielles : la carrure dos, la carrure devant, la hauteur de poitrine, la longueur d’épaule, etc. J’ai essayé d’être logique en étudiant les problèmes les plus fréquents, comme exposé plus tôt.

Il fallait réduire la longueur d’épaule, revoir la hauteur d’emmanchure et réduire la carrure devant (pour éliminer les problèmes d’encolures qui baillent, d’amas de tissu et de sensation de mouvement limité), revoir également la hauteur de poitrine (pour une pince qui tombe au bon endroit).

Il fallait également garder à l’esprit que ce tableau est et restera un standard, c’est-à-dire qu’il ne peut pas coller parfaitement à tout le monde, et il fallait conserver une certaine linéarité dans l’évolution des tailles pour qu’il reste facile de tracer des compris de tailles.

Après quelques mois, j’ai eu mon tableau, il ne restait plus qu’à le tester. J’ai donc fait un test patron, ce qui m’a permis de faire les derniers ajustements nécessaires pour la validation finale du tableau.

Les différences

Je vous le disais, les proportions des standards en vigueur restent les mêmes peu importe la taille.

Généralement, vous verrez une évolution (pour les mesures de poitrine, taille et hanches) de +4 cm pour les tailles 32 à 46 puis de +6 cm.

Le problème ici est qu’on se base sur des proportions totalement identiques.

Exemple : Pour une taille 38 standard, on part d’un tour de poitrine de 88 cm, tour de taille 70cm et tour de hanches 94 cm. Donc, la taille est 18 cm plus fine que la poitrine et les hanches sont 24cm plus larges que la taille.

Si vous prenez une taille 50, vous allez obtenir exactement les mêmes proportions :

Poitrine : 116cm Taille : 98 cm Hanches : 122cm donc toujours cet écart de 18cm entre la poitrine et de 24 cm entre la taille et les hanches.

Sauf que le corps évolue rarement de façon aussi simpliste. De manière générale (et j’insiste sur le caractère général, puisqu’évidemment, il y a et aura toujours des exceptions), cet écart tend à être moins important au plus on monte en tailles.

Lorsque j’ai étudié vos mesures sur Instagram, j’ai divisé en groupes, par rapport à la poitrine, et j’ai fait la moyenne de l’écart entre les différentes mesures, pour une évolution plus cohérente.

J’ai conservé l’évolution de poitrine pour les tailles du 32 au 46 (+4 cm d’évolution entre chaque taille), mais j’ai réduis l’évolution pour les tailles 48 à 58 (+5 cm d’évolution), raison pour laquelle j’ai ajouté le 58.

En revanche, j’ai totalement changé l’évolution des mesures taille et hanches.

Pour la taille :

  • du 32 au 36 : + 4cm
  • du 38 au 42 : + 4,5cm
  • Du 44 au 46 : + 5cm
  • Du 48 au 52 : + 5,5cm
  • Du 54 au 58 : + 6cm

Pour les hanches :

  • du 32 au 36 : + 4cm
  • du 38 au 42 : + 4,5cm
  • Du 44 au 46 : + 5cm
  • Du 48 au 52 : + 5,5cm
  • Du 54 au 58 : + 6cm

Concrètement :

  • Pour une taille 36, l’écart poitrine-taille est de 17.5 cm et l’écart taille-hanches est de 22,5 cm
  • Pour une taille 40, l’écart poitrine-taille est de 16.5 cm et l’écart taille-hanches est de 22,5 cm
  • Pour une taille 44, l’écart poitrine-taille est de 15 cm et l’écart taille-hanches est de 22,5 cm
  • Pour une taille 50, l’écart poitrine-taille est de 13 cm et l’écart taille-hanches est de 22,5 cm
  • Pour une taille 56, l’écart poitrine-taille est de 10.5 cm et l’écart taille-hanches est de 22,5 cm

Vous constatez que l’évolution change pour la mesure poitrine-taille mais pas pour la mesure taille-hanches.

Au final :

On obtient une silhouette qui évolue en fonction de la taille, assez peu de différences sur une taille comme le 36, mais ça évolue crescendo.

Comparons l’ancien tableau :

Avec le nouveau :

Avec un tour de poitrine similaire, on obtient des mesures de tailles et de hanches plus importantes.

On se rapproche davantage d’une silhouette en H voire légèrement A qui, à mon sens, reflètent davantage la population française, en tout cas nettement plus que la silhouette en sablier.

Un peu plus loin dans les statures

Si j’ai toujours proposé la déclinaison en statures, j’ai voulu aller plus loin.

Dans l’article sur le patronage, on abordera les différences entre les statures et comment elles sont prises en compte dans la création de patrons. Le patronage est totalement pensé pour s’adapter à la stature, par exemple, une encolure en 160 sera toujours plus petite qu’une encolure en 168 qui elle même sera plus petite qu’en 176.

Ce n’est pas un simple ajustement de longueur, ajustement qui se contente simplement de déplacer certaines lignes (comme la taille ou les hanches), mais j’y reviendrais plus en détails, c’est promis !

Sur le nouveau tableau, certaines mesures en largeur évoluent également selon la stature.

C’est le cas des mesures de carrure (devant et dos), de la longueur d’épaule et de l’écart de poitrine.

Tout simplement, je suis partie de l’idée qu’au plus on est grande, au plus on est “carrée”/”large”, les guillemets sont là uniquement parce que je ne sais pas comment le formuler autrement, mais je l’espère, vous avez compris le principe.

Alors qu’on se le dise, l’évolution est subtile, par exemple la longueur d’épaule pour une même taille sera 1mm plus longue en 168 par rapport au 160 et 1mm plus longue en 176 par rapport au 168 (donc 2mm de plus en 176 par rapport au 160).

J’en conviens, c’est vraiment léger mais que voulez-vous, j’aime la précision et donc que ça soit au millimètre près.

Conclusion

Il m’aura fallu près de 6 mois de travail acharné pour élaborer ce tableau de tailles. Croyez-moi, ça en valait vraiment la peine. Aujourd’hui, je peux constater à quel point les patrons créés à partir de ce nouveau tableau vous vont à merveille.

Je vous invite à découvrir ce tableau de tailles en consultant la page « Guide des tailles »

25 replies on “Nouveau tableau de tailles : Pourquoi et comment ?”

      • Waow ! Quel article super intéressant et quel boulot !!!
        Merci de prendre si bien en considération les morphologies réelles.
        Je n’ai pas encore cousu l’un de vos modèles mais il y en déjà depuis longtemps dans la wishlist.

        • Merci beaucoup, c’était important pour moi, je pense qu’on peut vite ressentir une grande frustration en se disant qu’on n’est pas vraiment normal sans ce demander si ce n’est pas le tableau de tailles qui est anormal !

    • Bonjour. Lerci pour ce travail titanesque. Dans mon cas je devais passer de la taille 42 pour mon tour de poitrine à la taille 46 voire 48
      mon tour de taille ce que je ne fais pas . Je renonce donc à beaucoup de marques de patrons.

  • Ta video youtube m’a beaucoup parlé, non pas pour tes désillusions, mais pour tout ce qui ressortait de ta personnalité (de façon très positive). Ca fait un moment que je m’intéresse à tes patrons, mais pour le moment, j’ai surtout cousu des pièces demandant peu d’ajustements comme des pyjamas. Ton nouveau tableau de tailles ne me correspond pas non plus (mais c’est le cas partout, y compris dans le prêt à porter, et j’apprends justement à coudre pour pouvoir porter des vêtements mieux ajustés), sauf pour le tour de taille plus important. J’avais répondu il me semble à ton sondage à l’époque (sur T&N ?) Je suis curieuse de voir ce que ça donne pour le haut, surtout les épaules. Et ta video m’a vraiment vraiment donné envie de soutenir ta marque. Je souhaite que le meilleur soit à venir pour toi !

  • Bref, je suis en train de passer commande, pour Fergus, ça c’est sûr, et l’hésite pour les autres car je veux quand même me limiter, donc Maze ? Polly ? Claire ? Torvi ? Pas encore décidée, je vais aller voir un peu ce que ça donne sur de vraies personnes (mais je trouve peu de modèles de Maze à part la superbe robe de Couture paillettes).

  • Bonjour. Je suis admirative devant votre travail et vous remercie car le nouveau tableau de tailles s’adapte bien mieux à mes mensurations!
    Petite question pratique: j’ai déjà plusieurs patrons achetés avant votre gros travail d’adaptation à la nouvelle gradation; pour avoir la nouvelle gradation, faut-il que j’achète à nouveau le patron? Je suis bien entendu prête à le faire au vu du travail que cela vous a coûté, mais me permets de poser la question au cas où …
    Encore un grand MERCI

  • J’avais déjà lu une partie de tes explications de modifications de tableau des tailles (sur IG je suppose) et c’est du super boulot.
    Je sais que je me retrouve maintenant sur 3 tailles différentes entre poitrine taille et hanches, mais ça ne me pose pas de problème, les modifs restent simples.
    J’avais lu également que tu avais pris en compte la taille des bonnets. Et à mon sens, c’est bien le plus important. Redessiner entre 2 tailles reste une manip simple, grader avec 2 ou 3 tailles de bonnet supplémentaires chaque patron que j’achète, me pose bien plus de problèmes.
    Encore merci pour tout le travail fait.

  • C’est hyper intéressant Sophie, merci de partager ce travail avec nous ! L’évolution du tableau ne m’arrange pas des masses parce que j’ai plutôt la silhouette en sablier prononcé + épaules larges (je fais en moyenne une taille 40 mais mes épaules sont hors tableau, ha ha^^), mais avec les tableaux de mesures très détaillés de tes patrons, c’est très facile de trouver quelles modifications je dois faire.
    Chapeau pour ton souci du détail et pour nous faciliter la couture !

  • Très intéressant cet article !
    Helas, je suis beaucoup plus sablier que H !!! 89/68/102

    J’ai trouvé ta story sur le problème de l’emmanchure très claire également. Bravo pour toute cette pédagogie. Mon problème concernant la carrure, c’est l’excédent de tissu à l’encolure dos ou pour les robes, de manière générale : excédent de tissu en hauteur. Tes 3 statures sont faites pour moi ! #teampetite

  • Je suis admirative ,enfin une créatrice qui pense au « vrai corps des vrais femmes » merci merci!!! Oui c’est la galère quand on mesure 1,55m et qu’avec les années on a pris des rondeurs, impossible de trouver une robe en 46 ou je n’ai pas les pinces poitrine beaucoup trop basses ET le creux de taille qui correspond à l’emplacement de mes hanches je me suis mise à la couture de mes vêtements mais pour les robes même problématique…. Tes explications et ton tableau des tailles m’ont convaincue c’est décidé je vais choisir de commander tes patrons même si je dois faire qqes adaptations ton tableau des tailles étant bien plus proche de ma morphologie ! Merci pour tout ce travail

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